Mise à jour du 4 novembre: Patrick Lozès a lancé sa campagne pour la présidentielle le jeudi 3 novembre. Le fondateur du Conseil représentatif des associations noires de France souhaite défendre «l'ascension sociale» des quartiers défavorisés et appelle à «ne pas voter blanc».


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Il n’y pense pas tous les matins en se rasant dit-il, mais le titre de son dernier ouvrage, Candidat, et pourquoi pas?, annonce la couleur. Dans quelques semaines, Patrick Lozès va quitter la présidence du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran), qu’il occupe depuis sa création, pour se lancer dans la course à l’élection présidentielle de 2012.

Fondé le 26 novembre 2005 avec pour objectif de lutter contre les discriminations et le racisme antinoir, et de valoriser la richesse des cultures afro-antillaises en France, le Cran s’est peu à peu imposé comme un interlocuteur influent sur l’échiquier sociopolitique français.

En France, la Constitution de la Ve République taillée sur mesure par —et pour— le général de Gaulle confère plus de pouvoirs au président français qu’à n’importe quel autre chef d’Etat d’une démocratie occidentale moderne. Ce qui fait du locataire de l’Elysée une sorte de monarque qui règne sur le pays. Alors forcément, le scrutin qui l’intronise est un rendez-vous crucial dans la vie politique du pays —un rendez-vous généralement très musclé. Et vu le climat qui règne à un peu moins de douze mois de l’échéance, la présidentielle 2012 s’annonce féroce.

Si Patrick Lozès réunit les 500 signatures nécessaires pour être candidat, il devra donc se jeter dans la fosse aux lions. Cet ancien pharmacien de 46 ans en est conscient:

«La vie politique est rude, elle demande un engagement de tous les instants. Mais comme je suis mu par une farouche volonté de servir ce pays, je ne crains rien ni personne.»

Mais les coups ne manqueront pas de provenir également de la communauté noire. Ses six années passées à la tête du Cran n’ont pas été un long fleuve tranquille.

Lozès au cœur d'une crise interne

L’organisation a été notamment secouée en novembre 2008 par une sérieuse crise interne, et Patrick Lozès a été très vivement mis en cause par certains membres du comité directeur, qui lui ont reproché une trop grande «personnalisation» du pouvoir. Au conflit de leadership se sont ajoutés des bruits de malversations financières. Un climat rendu encore plus délétère par des plaintes devant les tribunaux. «Très vite, tout tournait autour de deux personnes au sein de l’association, Patrick Lozès et Louis-Georges Tin», avait confié en novembre 2005 Lucien Pambou, le tout premier secrétaire général du Cran, au site Grioo.com.

Et de préciser:

«En tant que secrétaire général, j’ai proposé la mise en place d’outils de gestion qui n’ont jamais été acceptés par Patrick Lozès. Et, progressivement, la vie est devenue complètement invivable, dans la mesure où il est allé jusqu’à m’interdire de m’exprimer sur la cause noire au nom du Cran. Je lui ai dit que nous n’étions pas dans une république bananière.»

Des accusations que Patrick Lozès, droit dans ses bottes, balaie d’un revers de la main:

«Il suffit de consulter les statuts du Cran qui se trouvent sur son site pour se rendre compte qu’elles sont totalement déconnectées de la réalité. L’association est dirigée par un Conseil d’administration. Le président ne peut prendre aucune décision tout seul. Il ne fait que le représenter.»

D’ailleurs, conclut-il, «la justice a tranché en notre faveur le 7 avril dernier. Quant aux allégations de malversations financières, elles concernent une seule personne, en l’occurrence Edouard Nduwa, qui a piqué dans la caisse de l’association et dont nous nous sommes séparés.»

Candidat pour l'égalité

Rien ne semble donc ébranler la détermination de Patrick Lozès à aller l’année prochaine «à la rencontre de (ses) concitoyens français pour leur parler de (son) projet». Mais même s’il quitte dans quelques semaines la présidence du Cran comme il l’a annoncé, ce Franco-Béninois né à Porto-Novo (capitale administrative du Bénin), ne risque-t-il pas d’être considéré comme le candidat des noirs? Ce qui peut s’avérer un handicap de plus dans une France où le «communautarisme» est devenu un gros mot:

«Je connais ce pays. Je sais que les Français sont épris d’égalité. Mais je sais aussi qu’il leur est arrivé à certains moments de leur histoire de se laisser glisser sur une pente négative. Et c’est malheureusement actuellement le cas. La France est aujourd’hui en proie à l’antagonisme, à la désignation de certains Français comme les responsables de tous les maux de la société et cela m’inquiète et me désole».

Et d’ajouter:

«Je pense que le moment est venu de dire à ce grand pays qu’il sera encore plus grand en revenant à ses principes et à ses valeurs, notamment ceux de l’égalité. C’est aussi le moment de l’inciter à sortir d’un étonnant pessimisme qui fait que peu à peu, il perd son rang et son aura dans le concert des nations. Voilà pourquoi je veux être candidat.»

«Rendre à la République ce qu’elle m’a donné»

Le père de ce passionné de lecture (il dévore les biographies) et de musique classique a été plusieurs fois ministre au Bénin.

«La politique, je suis tombé dedans tout petit. Parfois à mon détriment, parce que je ne voyais pas souvent papa à la maison. Mais il était tellement pris par sa passion de servir les autres qu’il a fini par m’inoculer ce virus.»

Après des études de pharmacie à l’université Paris V couronnées par un DEA en toxicologie et un troisième cycle à l’Ecole supérieure de commerce de Paris, celui qui a pour livre de chevet La Princesse de Clèves travaille pour de grands groupes pharmaceutiques.

Mais, à l’en croire, au milieu des années 80 c’est son goût de «servir les autres, de servir la chose publique» qui l’a emporté. Il se lance alors dans la politique, s’inscrit à l’Union pour la démocratie française (UDF), un parti de centre-droit, dont il défend les couleurs aux élections législatives de 2002. Mais, estimant que les mouvements politiques n’abordent pas les vrais débats qui touchent la société française —et particulièrement les problèmes spécifiques aux minorités— il claque la porte de l’UDF et fonde le Cercle d’action pour la promotion de la diversité en France (Capdiv), puis le Cran en 2005. En se positionnant comme candidat à la prochaine élection présidentielle de 2012, il franchit un nouveau palier dans son engagement politique.

«J’ai eu beaucoup de chance. La République m’a beaucoup donné. J’essaie modestement de le lui rendre.»

Valentin Hodonou

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