François Hollande, candidat socialiste à l’élection présidentielle, a accepté de répondre aux questions de la rédaction. Il nous livre son regard sur les cinq années de présidence de Nicolas Sarkozy et fait le point sur ses propositions économiques.

Quel bilan tirez-vous du mandat de Nicolas Sarkozy au plan économique et social ? En l’espace de cinq ans, la dette publique est passée de 64 % à 88 % du PIB. En valeur absolue, cela signifie qu’un tiers de la dette de la France a été contractée au cours du mandat de Nicolas Sarkozy. Le bilan de ce quinquennat, c’est également un million de demandeurs d’emploi supplémentaires, mais des moyens réduits pour Pôle emploi. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : ce sont ceux de l’échec. Il y a eu, pendant les cinq dernières années, beaucoup de communication et très peu de résultats. J’ajoute que les réformes menées ont très souvent été marquées du sceau de l’injustice. Trop souvent, l’effort demandé a d’abord porté sur les classes moyennes et les classes populaires quand les plus aisés bénéficiaient de mesures de faveur. Je pense au bouclier fiscal, aux exonérations sur les successions, à l’allègement de l’ISF… à mettre au regard des mesures d’augmentation de la TVA, de la taxe sur les mutuelles, de la réduction des effectifs de la fonction publique, etc. Ce que je retiens de ce mandat, c’est donc qu’il aura été celui de l’échec et de l’injustice.

Que pensez-vous de ses propositions sur la formation des chômeurs ? Quelles seront vos premières mesures pour l’emploi ? La principale condition, pour relancer structurellement l’emploi, c’est le retour de la croissance. C’est pourquoi j’ai proposé un pacte productif à la France, particulièrement ciblé sur le développement des PME et de l’industrie, incluant de nombreuses mesures de soutien de l’offre. Le deuxième pilier, c’est la création d’une véritable “sécurité sociale professionnelle”. Nous devons en la matière sortir de l’incantatoire et mettre en place un suivi individualisé des chômeurs qui accompagne les parcours professionnels et organise la formation continue des individus. Pour cela, il faut renforcer les moyens et les effectifs de Pôle emploi – alors même que la droite n’a eu de cesse de les réduire depuis 2002. Enfin, j’ai proposé des dispositifs spécifiques en direction des populations les plus touchées par le chômage. Je pense évidemment au contrat de génération qui permettra à une entreprise qui embauche un jeune et qui maintient un senior en activité, de bénéficier d’exonération de cotisations sur les deux emplois. Je pense aussi aux emplois d’avenir, nous en créerons 150 000, dans le secteur privé comme dans le secteur public, d’abord ciblés sur les quartiers populaires, afin de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes les plus éloignés de l’emploi.

Que proposez-vous pour freiner les “licenciements boursiers” ? Faut-il les interdire purement et simplement ? J’ai proposé un texte de loi, que le gouvernement sortant a refusé et que je ferai voter si je suis élu, comme je m’y suis engagé à Florange. Il vise à empêcher la fermeture de sites rentables et, si nécessaire, à donner pouvoir au Tribunal de commerce, après consultation des représentants des personnels, à prononcer cette reprise. C’est une mesure très concrète, qui ne perturbera en rien la vie normale des affaires mais qui évitera des abus manifestes.

Comment comptez-vous encourager la création d’entreprise et favoriser le développement des PME ? J’ai fait de la relance de la production le cœur de mon programme pour redresser la France. J’insiste particulièrement sur le nécessaire développement de nos PME, qui doivent pouvoir se développer pour créer un tissu d’entreprises de taille intermédiaire compétitives et exportatrices. C’est pourquoi la première de mes 60 propositions est la création d’une Banque publique d’investissement dont les antennes seront régionalisées et qui fusionnera l’ensemble des dispositifs existants (Oseo, FSI, CDC…), dont l’ensemble est aujourd’hui difficilement lisible et peu accessible aux PME. Je mobiliserai l’épargne des Français, en créant un livret d’épargne industrie dont le produit sera entièrement dédié au financement des PME et des entreprises innovantes. Pour cela, je doublerai le plafond du livret développement durable, en le portant de 6 000 à 12 000 euros.

Quel regard portez-vous sur la condition actuelle des cadres ? Quelles mesures les touchant directement pouvez-vous leur annoncer ? Les cadres subissent une très forte pression, et, très souvent, des injonctions contradictoires, compte tenu de leur positionnement. Ils seront, jeunes et moins jeunes, concernés par le contrat de génération, car eux aussi éprouvent des difficultés, pour les uns à entrer en activité même s’ils sont diplômés, pour les autres à conserver leur emploi dans de bonnes conditions. Je veux aussi accorder la plus haute importance aux questions de souffrance au travail, auxquelles les cadres “managers” doivent de plus en plus faire face. Enfin, j’estime que les cadres doivent pouvoir se former convenablement, quelles que soient leurs spécialités, en particulier sur les aspects relationnels et managériaux qui font pleinement partie de leurs responsabilités.