Le juge antiterroriste Marc Trévidic, qui instruit des dossiers hautement sensibles (Karachi, moines de Tibéhirine, Rwanda...), est l'objet de brimades qui l'ont conduit à saisir l'USM, principal syndicat de magistrats, révèle l'hebdomadaire Marianne à paraître samedi. "Il est la bête noire des terroristes, mais c'est le pouvoir qui veut sa peau", écrit le journal. Le juge Trévidic n'a pas souhaité s'exprimer, mais Christophe Régnard, président de l'USM (Union syndicale des magistrats), a confirmé à l'AFP être intervenu à sa demande auprès de la présidente du tribunal de grande instance et du premier président de la cour d'appel de Paris, conjointement avec l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI), présidée par Marc Trévidic. Une délégation a été reçue par la hiérarchie du juge, a indiqué Christophe Régnard, confirmant également la teneur d'un courrier de l'USM s'inquiétant de "mesures (...) qui semblent être autant de tentatives de pression, voire de déstabilisation, difficilement acceptables". Trois choses en particulier ont motivé cette démarche, a-t-il expliqué. D'abord, Marc Trévidic a le sentiment d'être saisi de très peu de nouveaux dossiers par rapport aux autres juges du pôle antiterroriste. La hiérarchie a expliqué qu'il était surchargé. "Admettons", a commenté le président de l'USM. Ensuite, il a été interdit au printemps dernier au juge Trévidic de se rendre au Niger pour une formation de magistrats en matière d'antiterrorisme, alors que toutes les autorisations et ordre de mission avaient été délivrés. Des otages français sont retenus dans cette région par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Cette interdiction a été vécue comme "une mesure de rétorsion", du fait de déclarations très critiques faites par le juge Trévidic en sa qualité de président de l'AFMI, après la mise en cause des magistrats par le président Nicolas Sarkozy dans l'affaire Laetitia, la jeune fille assassinée à Pornic. Enfin, le juge a été menacé d'un avertissement parce qu'un photographe de presse venu le rencontrer avait pris une photo là où il n'en avait pas le droit. "On a réussi à éviter que cet avertissement soit versé à son dossier (...), mais c'était clairement une mesure pré-disciplinaire très désagréable", a estimé le président de l'USM. Cette "accumulation de tracasseries" rappelle à Christophe Régnard le début des ennuis qu'a eus à Nanterre la juge Isabelle Prévost-Desprez avec sa hiérarchie: "Les mises en cause ont commencé comme ça (...) et après, on a sorti des choses beaucoup plus graves". "On a voulu faire comprendre à la hiérarchie judiciaire que cela suffisait. Ce genre de tracasseries, pour un magistrat qui instruit des dossiers très sensibles, ce n'est pas acceptable, cela le met dans un état d'esprit très difficile", a ajouté le président de l'USM. Interrogé par Marianne, Gilbert Tiel, autre juge du pôle antiterroriste, déclare que Marc Trévidic va "mal". "C'est un homme visiblement affecté, fatigué, pour ne pas dire épuisé", dit-il. A sa tâche difficile "s'ajoute une politique de harcèlement misérable pour le faire trébucher, voire pour l'inciter à partir". Dans un livre paru en février dernier ("Au coeur de l'antiterrorisme", éditions Jean-Claude Lattès), le juge Trévidic disait avoir le sentiment qu'il n'avait plus la confiance de sa hiérarchie parce qu'il avait "commis le péché capital dans la magistrature, le péché de la médiatisation". Sollicitée, la cour d'appel de Paris n'avait pas réagi jeudi soir.

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