Après l’annonce par un porte- parole du ministère français des Affaires étrangères que Kigali avait refusé l’agrément d’un nouvel ambassadeur nommé en remplacement de Laurent Contini, la presse française a longuement commenté cet incident. Le quotidien « Le Monde » tout en notant que la France vient de rappeler son ambassadeur à Kigali pour consultation, voit ce développement sous l’angle de l’image que le gouvernement de Kigali s’est construite de l’actuel ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé. « Libération », elle parle carrément d’une crise diplomatique. C’est chez l’hebdomadaire « Jeune Afrique » qu’il faut chercher l’explication. Jeune Afrique, qui fait depuis des années office de porte-voix de Kigali dans l’opinion francophone, affirme en effet que l’ambassadeur proposé pour remplacer Laurent Contini, à savoir Madame Hélène Le Gal serait « proche » d’Alain Juppé. Le comble pour remplacer un proche de Bernard Kouchner ami personnel de Paul Kagame.

Comme à l’accoutumé, Kigali a réagi avec une désinvolture et dans une langue de bois que lui envierait l’URSS de Staline et la Chine de Mao. Par la voix de sa ministre des affaires étrangères Louise Mushikiwabo, les relations franco-rwandaises seraient au bon fixe et le refus d’agrément d’un ambassadeur ne serait qu’un détail dans les pratiques diplomatiques entre Etats. Voilà pour l’explication « officielle ».

L’explication « officieuse » nous sera fournie par un diplomate rwandais basé à Nex York, le prolifique Olivier Nduhungirehe a.k.a Théoneste Rwemalika qui, en tant que Conseiller d’ambassade, joue aussi les porte-paroles du gouvernement sur les fora de discussion sur internet. Intervenant dans le débat 24 février 2012, il a en effet affirmé sur les fora de discussion ce qu’Alain Juppé n’a plus ni temps ni la force pour affronter quoi que ce soit. Et pour cause, poursuit le diplomate rwandais, le ministre « est en effet plus occupe à battre campagne pour défendre le candidat de la "France forte", en très grande difficulté dans les sondages. En tout état de cause, il y a peu de chances qu'il soit reconduit au Quai d'Orsay après les élections présidentielles du 6 mai, quand bien même Sarkozy serait réélu. Et l'on sait que Hollande ou Sarkozy peuvent difficilement trouver pire Ministre des Affaires Etrangères, s'agissant des relations franco-rwandaises, excepte bien sur Hubert Vedrine! Notons que Martine Aubry, probable future hôte de Matignon, a déclaré, lors de la dernière visite de Sarkozy à Kigali, que la France devait "demander pardon" au Rwanda pour son rôle dans le génocide. Et si la boucle du Président socialiste Francois Mitterand était bouclée par un autre Président socialiste, également prénommé François? ».

Ainsi donc, le gouvernement de Kigali entend interférer dans la définition de la politique étrangère de la France qui sera mise en œuvre après les élections, quelle que soit l’issue de celles-ci. Pour Kigali, Alain Juppé ne devra plus être ministre des Affaires étrangères quand bien même Sarkozy serait réélu. Tandis que si la gauche gagne, tout serait « dans la poche » car les hauts dirigeants du parti socialiste auraient déjà promis de faire « mea culpa » devant Paul Kagame.

Exiger le départ d’un ministre d’une puissance étrangère, suspendre les relations en attendant que les « amis » qui ont promis monts et merveilles y soient élus… si cela ne s’appelle pas « ingérence dans les affaires intérieures d’un autre état », dites-nous ce que c’est.

Jane Mugeni 27/02/2012