Excellence Monsieur le Premier Ministre, Excellences ici rassemblées, Rwandais, Rwandaises de la Préfecture de Cyangugu, Comme vous le disiez tout à l’heure, vous êtes des courageux inexpugnables, que Dieu soit toujours avec vous au Rwanda ! (applaudissements) Comme vous l’avez encore dit, nous sommes des Rwandais, descendants d’un même Père, nous sommes tous frères (applaudissements).

Dans notre pays-ci, le Rwanda, je crois que, en ce qui concerne l’Histoire, nous pouvons la subdiviser en 2 parties :

Il y a eu le Rwanda, le Rwanda de GIMANGA (ancêtre hamitique et légendaire fondateur du Rwanda NDTR), le Rwanda de KANYARWANDA (ancêtre hamitique et légendaire de la population rwandaise NDTR), qui était caractérisé par nos propres us et coutumes, qui était généreux, qui avait de l’humanisme et priait le bon Dieu.

La dernière tranche de son histoire est marquée par l’arrivée des Blancs qui fondèrent le poste de Shangi (localité située dans l’actuelle Préfecture de Cyangugu NDTR). Peu après, on nous parle de l’histoire du Mwami MUSINGA, ayant refusé d’être l’homme de paille des Blancs ; ceux-ci le condamnèrent à l’exil et le déportèrent à SHANGI croyant que c’est en dehors des frontières du Rwanda, assertion que nous avons toujours réfutée même jusque maintenant.

Vient alors le Rwanda sous domination étrangère qui détruisit le premier et dans lequel naquirent les dissensions. Ce Rwanda a connu beaucoup d’événements, mais on pourrait en citer les plus récents et qui nous concernent tous et qui expliquent notre présente rencontre : il y a eu le génocide et les massacres. Ce vocable n’avait pas d’expression correspondante en Kinyarwanda. Cela prouve que le génocide et les massacres sont un nouvel enseignement, sons une importation étrangère.

Nous avons essayé de mettre fin au génocide et aux massacres. Et comme vous le savez, tous les Rwandais, nous nous unissons pour panser et guérir les blessures causées au Rwanda par ce génocide et ces massacres. Et même après, vers la fin du génocide et de massacres, il y a eu l’“opération Turquoise ” qui, elle aussi, nous aurait divisée. Elle a affecté surtout la Préfecture de Cyangugu qu’elle a détruite.

Mais comme nous avions refusé que cette opération turquoise nous divise, ceux qui l’avaient montée, en se repliant, ont dit, en nous proférant des menaces, qu’ils allaient attendre à la frontière. 2 Depuis lors, sur cette frontière, les infiltrés ne cessent d’attaquer le Rwanda, de venir piéger les personnes dans les marchés, de venir attaquer les gens dans leur sommeil, de venir assassiner les autorités, de venir exterminer les rescapés du génocide et des massacres et de venir éliminer tous ceux qui veulent contribuer à la reconstruction du Rwanda.

Les Rwandais, à tous les niveaux, ont remarqué leur cruauté et, en collaboration avec l’armée, ils se sont levés pour lutter contre ces malfaiteurs. Je remercie donc particulièrement la Préfecture de Cyangugu qui s’est unie pour que nous combattions cette cruauté, et tranquillisions les faibles et tous ceux qui peuvent être victimes de ces malfaiteurs. Pour le moment, ce qui est à la Une, c’est d’envoyer, à partir de l’autre côté, là au Zaïre, les obus destructeurs sur des Rwandais innocents. Il n’y a pas de différence entre les “ Interhamwe ” et les Autorités zaïroises, ils sont tous du même acabit. Lorsqu’ils envoient leurs obus, ceux-ci ne font pas de distinction : ils peuvent tomber sur un enfant, sur une vieille femme, sur une personne adulte. Nous sommes tous leur cible. Nous compatissons tous ensemble, avec tous ceux qui ont perdu les leurs par ces obus, par les infiltrés, et par le génocide et les massacres.

Aujourd’hui, tout le Gouvernement, presque tout le Gouvernement, comme vous le voyez, s’est déplacé pour venir se joindre à vous et vous dire qu’il est avec vous. Celui qui provoque Cyangugu provoque le Rwanda. Il nous provoque tous. Nous nous mobilisons tous ensemble pour lui rendre la monnaie de sa pièce (Applaudissements). On n’emprunte pas à celui avec qui on est en dispute. Si le Zaïre nous faisait du bien, nous cohabiterions en harmonie comme des frères et en bons voisins. Celui qui veut vous exterminer comme ils le font en nous envoyant leurs obus et d’autres malfaiteurs, celui donc qui veut vous exterminer vous fait du tort. Mais d’un autre côté, il vous donne le droit de le combattre ouvertement, inconditionnellement et sans tergiversation. Tel doit être notre engagement.

Je voudrais donc rassurer la population de Cyangugu que chaque fois qu’on se sera déterminé à nous malmener, le Rwanda va se venger. Je voudrais encore dire à la population de Cyangugu ici présente, à toute la population rwandaise que vous représentez, aux Rwandais Républicains, aux Rwandais de Gihanga, dire à tous les Rwandais éparpillés là et à l’étranger, qu’à l’arrivée des Blancs au Rwanda, le Rwanda avait à peu près six cents ans d’expérience en tant que pays, le Rwanda. et CYOHOHA franchissant la chaîne des volcans jusqu’au lac RWICANZIGE (Lac Edouard NDTR). Il s’étendait aussi de la RUBUMO jusqu’aux frontières du BUHUNDE et nous vivions en bonne intelligence sans problèmes avec les BAHUNDE. Même la région jadis appelée BIGHUGI considérée aujourd’hui comme berceau des BANYAMULENGE, tous les3 habitants de ces contrées étaient des Rwandais. Même KAYENZI et autres, situées actuellement au Zaïre, faisaient partie du Rwanda.

Ces BANYAMULENGE dont vous entendez parler sont nos congénères avec qui nous partagions le Rwanda. Mais à partir des années 1960-1963, avec la fondation de l’O.U.A., nous avons souscrit au principe d’intangibilité des frontières. C’est pourquoi, en luttant contre le génocide et les massacres, nous nous sommes arrêtés à nos frontières sans aller porter secours aux populations de MASISI, alors que nous en étions capables, parce que nous respections la souveraineté d’un autre pays. Lors de la scission du Rwanda en deux parties par les Blancs, ces populations de MASISI et ces BANYAMULENGE étaient établies là où elles sont depuis quatre cents ans. Elles sont très anciennes et plus anciennes que la ZAIRE. Elles y sont plus âgées que le pays du Zaïre. J’entends dire que de l’autre côté, certains leur disent de se sauver faute de quoi ils les extermineront.

Je voudrais encore dire aux BANYAMULENGE qu’ils doivent faire la leçon d’histoire à ceuxlà qui les pourchassent et leur apprendre le savoir-vivre en vue du respect des droits de l’Homme ; et que ce sont ces BANYAMULENGE qui devraient donner un ultimatum de s’en aller, à ces LUCIFER qui veulent les exterminer et les expulser de leur pays. Il paraît qu’ils veulent les renvoyer au Rwanda. Le Rwanda est habituellement une terre d’accueil pour ceux qui sont en détresse. Le Rwanda ne peut pas refuser d’accueillir les frères. Mais, si le pari est de chasser deux-là qui ont vécu dans ce pays depuis plus de quatre cents ans, en les réduisant au petit Rwanda, ce Rwanda républicain, les seuls BANYAMULENGE que nous accueillerons sont les enfants et les vieilles femmes. Les autres doivent rester là-bas pour corriger et donner la leçon de savoir-vivre à ceux-là qui veulent les chasser.

Celui qui dit qu’il veut vous tuer, celui qui dit qu’il veut vous exterminer sans raison, vous fournit automatiquement le motif d’utiliser tous les moyens possibles et imaginables que vous pourriez trouver pour que ce soit vous qui l’exterminiez afin de l’empêcher de nuire (Applaudissements). Pour toutes ces raisons, les BANYAMULENGE qui sont ici, à part les enfants et les vieilles femmes, nous allons leur dire de traverser et retourner chez eux pour aller apprendre à ces malfaiteurs que les BANYAMULENGE sont aussi des êtres humains, qu’ils aspirent aux bonnes relations avec les autres citoyens mais que leurs droits se trouvent dans le berceau de leur naissance, qu’ils ne sont pas des Rwandais réfugiés et que nous ne les renvoyons pas en tant que réfugiés rwandais comme le . Ce ne sont pas des rwandais. Ce sont des Zaïrois qui doivent lutter pour leurs droits.

Cette chasse aux BANYAMULENGE ne doit donc pas nous intimider. Actuellement, nous ne pourrions pas comprendre comment quelqu’un peut s’insurger contre son voisin pour l’exterminer sous prétexte que celui-ci parle le kinyarwanda alors que c’est sa langue maternelle depuis plus de six cents ans avant même l’arrivée des Blancs ici. 4 Nous n’accepterons pas, la communauté internationale n’acceptera pas qu’il y ait un autre génocide et d’autres massacres comme celui de MASISI. Habitants de Cyangugu, ne soyez donc pas intimidés ! Tout d’abord, celui qui va s’en prendre à vous s’en sera pris automatiquement au Rwanda.

Nous nous lèverons. Mais aussi nos frères qui sont de l’autre côté et qui n’ont provoqué personne ne doivent pas s’inquiéter. Ceux qui ne sont pas en mesure de donner la leçon de savoir-vivre à ces malfaiteurs, j’ai dit les enfants et les vieilles femmes, nous les accueillerons, nous ne manquerons pas à les nourrir. Dans notre Rwanda donc, il y a eu le génocide et les massacres, qu’ils ne se reproduisent plus ; il y a eu des tueries, qu’elles ne se répètent plus. Pour que cela soit réalisable, il faut nous lever et unir nos forces.

Ces malfaiteurs qui viennent éliminer certains d’entre nous, nous devons nous entraider en unissant nos forces pour les contrecarrer et leur barrer le passage. On m’a dit que vous avez d’autres problèmes. Comme nous avons encore un peu de temps avant qu’il ne pleuve, nous pouvons répondre à une dizaine de questions. Mais la mission principale qui a déplacé le Gouvernement était de vous faire part des messages en provenance des autres régions du Rwanda comme quoi vous n’êtes pas seuls ; que les autres Rwandais sont avec vous et que nous sommes tous frères, que vos malheurs seront les nôtres ; qu’ils seront les malheurs de tous les Rwandais. Je vous remercie !

Source : DHR